Περίληψη: | Suite à une immigration massive pendant les deux dernières décennies, la société grecque connaît de grands changements démographiques et se trouve face à des enjeux politiques, économiques, sociaux et donc aussi éducatifs. Face à une telle conjoncture le système scolaire oscille entre une organisation centralisée et traditionnelle, et l’adoption de mesures ponctuelles et progressistes qui visent d’une part à l’intégration des enfants d’immigrés et d’autre part à une meilleure collaboration entre les familles, les enseignants et l’institution scolaire. Se situant dans ce cadre marqué par des mutations sociales et éducatives, la présente étude a comme objectif de décrire, de comprendre et d’expliquer le rapport à l’école primaire des parents grecs et des parents immigrés, qui constituent par ailleurs la première génération migratoire en Grèce.
Le rapport parental à l’école est examiné plus en termes de processus et de relations qu’en termes de situations. Par ailleurs, nous avons considéré qu’il ne peut être saisi, détecté et compris que par l’étude du rapport des parents aux savoirs scolaires, à l’institution scolaire elle-même ainsi qu'aux enseignants. Notre intérêt a porté sur les perceptions parentales concernant les savoirs dispensés par l’école primaire, sur les logiques familiales relatives à l’accompagnement scolaire de l’enfant et sur les contacts et les interactions des parents avec les enseignants. La recherche a été axée sur trois hypothèses de travail.
La première hypothèse, portant sur le rapport parental aux savoirs scolaires, suggère que les parents immigrés favoriseraient plutôt les connaissances pratiques et intellectuelles, tandis que les parents grecs demanderaient de l’école primaire une éducation dite générale. La deuxième hypothèse repose sur l'idée que les parents grecs s’impliqueraient davantage dans la scolarité de leurs enfants et entreraient en contact avec l’institution scolaire plus souvent que les parents immigrés ; ces derniers ne se rendent dans l’institution scolaire que sur invitations ou convocations du personnel éducatif. Enfin, la troisième hypothèse concerne le rapport des parents avec les enseignants. Nous supposons que les parents grecs entretiendraient des relations plus amicales avec les enseignants que les parents immigrés, dont le rapport aux enseignants serait empreint de réticence et de soumission.
Du fait que chaque groupe, que ce soit celui des parents grecs ou des parents immigrés, est profondément hétérogène et qu’il faut aussi tenir compte de la subjectivité des acteurs, l’accent est mis sur les différences et les contrastes entre les comportements, les réactions, les opinions, les perceptions et les choix de chaque acteur. Ce travail s’attache à analyser les expériences des parents, leurs logiques, leurs objectifs et leurs stratégies comportementales. En effet, nous partons du principe que l’acteur social, c’est-à-dire dans notre cas les parents, est porté par des désirs, des ambitions et des objectifs, qu'il est ouvert au monde social dans lequel il est actif et où il occupe une place singulière. Le rapport des parents à l’école est donc étudié en mettant en évidence la subjectivité de chaque acteur social inscrite dans des situations scolaires et sociales authentiques.
Nous avons mené une recherche qualitative dans un quartier de la ville d’Athènes marqué par une forte hétérogénéité culturelle. La méthode choisie a été l’enquête et la technique celle de l’entretien semi-directif. Plus spécifiquement, conformément à certains critères d’échantillonnage, nous avons interviewé 41 parents (20 parents grecs et 21 parents immigrés) appartenant à différents milieux socio-économiques. L’analyse des entretiens s’est appuyée sur la technique de l’analyse de contenu de type thématique, qui permet une meilleure exploration des valeurs, des attitudes, des comportements, des relations et des opinions. Ainsi, tout en respectant les limites de généralisation que la recherche qualitative impose, nous avons dégagé certaines tendances générales, qui caractérisent et décrivent le rapport des parents grecs et immigrés à l’école primaire.
Plus spécifiquement, la majorité des parents grecs interviewés attribuent une grande importance à la fonction socialisatrice de l’école primaire. Ils sous-estiment les savoirs pratiques et considèrent que l’école primaire a surtout comme vocation l’éducation générale des enfants. Leur rapport à l’institution scolaire prend plusieurs formes et dépend des plusieurs facteurs. En général, tant le fonctionnement de l’institution scolaire que l’hétérogénéité culturelle des classes sont vivement critiqués par les parents grecs, qui pourtant se rendent souvent dans l’espace scolaire et expriment toujours leurs mécontentements et leurs reproches. Les relations des parents grecs avec les enseignants sont décrites comme fréquentes, proches et souvent amicales. Ainsi, le rapport parent/enseignant se marque de solidarité, de soutien et de compréhension mutuelle.
En revanche, les parents immigrés valorisent les apprentissages pratiques, qui pourraient faciliter l’insertion et même garantir la réussite professionnelle de leurs enfants. Leur rapport à l’institution scolaire est marqué d’ambiguïté ; la plupart des parents immigrés ne se rendent à l’espace scolaire que très rarement et toujours dans les dates prévues par l’école. Pourtant, ils disent qu'ils sont satisfaits du fonctionnement de l’école et ils affirment se sentir les bienvenus en son sein. Les relations des parents immigrés avec les enseignants sont décrites comme distantes, officielles et parfois inexistantes. Ainsi, la plupart des discours parentaux esquissent un rapport qui est marqué par de réticence, du repli et de la soumission aux demandes des enseignants.
Le rapport à l’école des parents grecs et immigrés s’avère donc complexe, car influencé par de nombreux facteurs, et souvent contrasté et plein d’antithèses. L’expérience migratoire apparaît comme un facteur qui influence, détermine, voire règle les logiques familiales dans leurs rapports à l’institution scolaire, les objectifs parentaux face à l’éducation procurée par l’école et les comportements des parents à l’occasion des contacts et des interactions avec les enseignants. En guise de conclusion, il convient de noter que le fait d’être ou de se sentir étranger émerge à travers cette étude comme un facteur important et décisif concernant le rapport des parents à l’école et comme un fait social total dans la trajectoire de vie et dans l’expérience des acteurs.
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